Trois semaines après avoir assisté en direct au dévoilement de la nouvelle mouture de la FJR1300 au salon Intermot de Cologne, Richard Turenne et moi-même avons été invités à l'essayer par Yamaha. Nous avons donc profité de l'occasion et de la belle température de cette fin d'octobre pour faire une petite virée automnale de 300 km à son guidon dans Lanaudière et les Laurentides.
Sortie en 2001, la FJR1300 a été la préférée des gros rouleurs au style de conduite sportif dès son apparition sur le marché. Avec son quatre cylindres en ligne puissant et coupleux, elle s'est taillé une place de choix dans ce créneau chaudement disputé où confort et sportivité, deux qualités perçues comme antinomiques, déterminent l'avenir d'une nouvelle venue. Revisitée en 2006, avec la sortie de la version AS à boîte semi-automatique, la FJR1300 a continué de se perfectionner, sans pour autant changer radicalement au fil des évolutions. Pour 2013, la firme aux trois diapasons rajeunit le look de son vaisseau amiral afin de prolonger, voire de relancer sa carrière. Malgré ce changement d'allure, la FJR conserve une filiation esthétique indéniable. Elle reçoit un nouveau carénage aux lignes plus tendues qui s'avère plus aérodynamique. Il est doté d'une bulle redessinée qui s'ajuste toujours électriquement, mais offre désormais une protection digne d'une GT moderne. Visuellement, on note l'apparition d'un phare et de clignotants à DEL (diodes électroluminescentes) qui font penser aux automobiles Audi. La FJR reçoit également des poignées chauffantes de série, des commandes redessinées et un tableau de bord modernisé. Enfin, la selle, le pare-brise, les bas de carénages et même le guidon sont ajustables.
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Stable et maniable pour son poids, la FJR1300 aime être conduite sportivement sur
les
routes sinueuses. |
Mais il faut jeter un œil sous le carénage, pour constater ce qui change. Le gros quatre en ligne de 1298 cc est modernisé. Il bénéficie d'un traitement des cylindres en céramique, de pistons à segment basse friction, d'un allumage revu, de nouveaux corps d'injecteur, d'une boîte à air modifiée et d'une boîte de vitesse dont l'étagement a été revu afin de mieux exploiter le couple et la courbe de puissance. Il est désormais doté d’un contrôle électronique de l’ouverture des gaz (YCC-T) inauguré il y a quelques années sur les YZF-R6 et YZF-R1. Au chapitre des assistances au pilotage, on remarque l'apparition d'un antipatinage TCS et d'un système D-Mode à deux cartographies d'injection. L’échappement est également modifié et n’utilise plus que deux catalyseurs au lieu de quatre.
Pour ce qui est de la partie cycle, les ingénieurs se sont attardés sur le calibrage des suspensions. En passant, la version AS qui ne sera pas disponible en Amérique du Nord reçoit une fourche inversée Kayaba à suspension active qu'on aimerait bien voir sur la FJR de base. Au Canada, la FJR1300 est équipée de pneus Bridgestone BT-023 (les modèles européens sont chaussés de Metzeler Z8 Interact) dont le profil favorise la maniabilité.
La béquille centrale a été modifiée pour faciliter son utilisation et les valises latérales de 30 litres chacune ont été redessinées pour plus de fonctionnalité.
Comme vous pouvez le constater, il s'agit là de changements de détail, non d'une refonte totale. Pourtant, le comportement de la Yamaha s'en trouve bonifié.
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Le tableau de bord de la FJR1300 affiche de nouvelles informations — ABS, TCS, modes... |
Des petits changements qui font une grande différence
Nous avons pris possession de la FJR à la mi-octobre et nous avons profité de l'été indien pour la mettre à l'épreuve sur les routes de Lanaudière et des Laurentides. Par une fraîche matinée d'automne, en semaine, nous avons pu rouler à notre rythme, loin du trafic habituel dans cette région.
Après quelques kilomètres sur l'autoroute 40, en route pour l'Épiphanie, la première chose que je note c'est l'efficacité de la nouvelle bulle. Enfin! Elle marche! Quelle que soit la position sélectionnée. Les turbulences sont bien contrôlées dans l'ensemble et on ne ressent plus de poussée dans le haut du dos quand la bulle est en position haute. De plus, elle possède une mémoire de position. Quand on met le contact, elle se règle automatiquement à la dernière position sélectionnée, avant l'arrêt du moteur. Les modifications apportées au bas de carénage vont également dans le bon sens. Ainsi, les jambes sont bien protégées et on ressent moins le dégagement de chaleur du moteur que sur le modèle précédent. Il faut préciser que la température fraîche que nous avons rencontrée durant cet essai y contribue certainement. À revérifier durant l'été. Le carénage offre une bonne protection et contribue au confort. La selle en deux parties est ajustable en deux hauteurs pour le pilote. Enfin, on apprécie la présence de poignées chauffantes réglables en trois intensités et du régulateur de vitesse électronique.
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...mais les guidons ne sont pas envahis par une flopées de commandes et de boutons. |
Au chapitre des assistances au pilotage, la FJR se limite à l'essentiel: ABS, antipatinage et deux modes différenciés. L'écran de contrôle et les commandes permettant de naviguer à travers les menus sont simples et faciles à utiliser. Si l'antipatinage débrayable montre toute son efficacité quand l'adhérence vient à manquer (pluie, feuilles mortes, sable, gravier), l'utilisation des deux modes du Yamaha D-Mode me laisse perplexe. En mode T (Tourisme), on se traîne lamentablement. La moto semble amorphe et réagit mollement (c'est étudié pour, me direz-vous, mais tout de même…), au point où on s'ennuie royalement. Je veux bien admettre que ce mode est dévolu à la ville, aux conditions météo précaires et à l'économie de carburant, mais est-il nécessaire pour autant? Ne peut-on pas parvenir au même résultat simplement en dosant adéquatement l'ouverture de la poignée de gaz? D'autant que l'accélérateur électronique YCC-T (Yamaha Chip Controlled Throttle), de type Ride-by-Wire, se montre doux et transparent. Pas le moindre à-coup. Il suffit de passer en mode S (sportif) pour retrouver les 146 chevaux du quatre en ligne de Yamaha et redécouvrir le vrai caractère de la FJR. Le moteur répond immédiatement à la moindre sollicitation de l'accélérateur et monte rapidement dans les tours, sans hésitation. Coupleux à bas régime, il se montre bien rempli entre 4 000 et 8 000 tours. La puissance est progressive, linéaire, sans crête soudaine. Sur le cinquième rapport, lequel possède un tirage long, il faut maintenir le régime au-delà de 5 000 tr/min pour profiter d'accélérations et de reprises franches. Ainsi, pour doubler avec autorité à ce régime, il est nécessaire de tomber un rapport. Sur l'autoroute, à une vitesse de croisière raisonnable, on aimerait pouvoir bénéficier d'un sixième rapport afin d'abaisser le régime moteur et réduire les vibrations qui demeurent assez présentes. Cependant, la transmission est plus douce que sur le modèle précédent et donne moins d'à-coups.
Le régulateur de vitesse électronique, dont la présence est rendue possible par l'utilisation d'un accélérateur électronique, s'avère utile sur l'autoroute, mais aussi pour se reposer momentanément le poignet droit, lors de longues sorties. Il se règle par incrémentations de 2 km/h à chaque impulsion sur la commande de réglage. Un vrai plus pour le pilote au long cours.
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Avec sa nouvelle bulle ajustable et son carénage modifié, la FJR protège adéquatement
son pilote et lui offre un agrément de conduite accru. |
La FJR1300 est toujours aussi facile à prendre en main. Même si elle fait sentir tout le poids de ses 289 kg tous pleins faits, à l'arrêt, en mouvement elle semble beaucoup plus agile qu'on le pense. Grâce à son centre de gravité placé bas, elle se balance facilement d'un côté à l'autre et se montre relativement à l'aise en conduite sportive. Moins large que certaines de ces concurrentes, valises installées, elle peut encore se faufiler dans la circulation lourde, ce qui est appréciable.
Sur route sinueuse, la FJR affiche un comportement sain et sportif pour une grosse GT. Elle négocie les virages serrés et les épingles avec facilité, à condition d'anticiper les trajectoires. Elle est stable dans les grandes courbes rapides, mais elle se désunit quand la chaussée se dégrade ou quand on la brusque. Elle bouge un peu sur ses suspensions à l'attaque (suspensions Kabaya recalibrées), mais reste saine en toute occasion. On aurait aimé voir comment la version AS avec sa fourche inversée et sa suspension active se comporte dans des situations semblables? Pour le coup, on se demande pourquoi Yamaha ne l'a pas offerte également sur la FJR de base, même si on se doute que c'est par souci d'économie. Quand la cadence augmente et que la chaussée s'y prête, la FJR peut évoluer à un rythme sportif. Seule sa garde au sol moyenne limite ses ardeurs. En effet, les repose-pieds viennent rapidement en contact avec le bitume quand on adopte un pilotage enthousiaste.
Les freins ABS couplés se montrent transparents à l'utilisation et efficaces. Bien mieux que sur l'ancienne génération. Ils offrent une bonne rétroaction au levier, une puissance bien maîtrisée, et une action moins intrusive qu'auparavant (ils entrent en action plus tard, ne donnent pas d'à-coups dans le levier ou la pédale et freinent plus court). Cependant, la moto a tendance à se relever lorsqu'on freine en virage. Il faut impérativement soigner les entrées de courbes et planifier son freinage en conséquence.
Les pneus Bridgestone BT-023 s'avèrent excellents. Personnellement, j'aime bien leur profil et leur action neutre sur la direction. Ils offrent une traction suffisante pour rouler de façon sportive et une longévité au-dessus de la moyenne. Par ailleurs, ils offrent un bon retour d'information sur la traction disponible et préviennent en cas de perte d'adhérence.
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La FJR reste reconnaissable, malgé les changements esthétiques qu'elle a reçus. |
Conclusion
Même si la FJR1300 n'est pas remaniée de fond en comble et même si sa conception remonte à la fin des années 90, elle s'avère une très bonne sportive routière. Preuve qu'elle a bien été conçue dès le départ. La FJR1300 nouveau millésime fait tout mieux et bénéficie des dernières avancées technologiques. Agréable à conduire en toute occasion, elle est une compagne de voyage idéale. Les changements apportés ont permis de corriger certains des défauts historiques de la Yamaha en plus d'accroître son agrément de conduite. Qui plus est, l'ajout de certaines aides au pilotage la place désormais au niveau de certaines de ses concurrentes (BMW R1200RT, Honda VFR1200, Kawasaki Concours 14, Triumph Trophy 1200) à ce chapitre. Si vous cherchez une routière sportive bien équipée, qui n'a pas l'air d'une console de jeu électronique pour autant, capable de vous mener au diable vauvert à vive allure et pas trop chère, la FJR1300 pourrait vous convenir. Néanmoins, si vous possédez déjà une FJR1300 récente, ne vous précipitez pas de suite chez votre concessionnaire — à moins de vouloir changer de moto à tout prix, bien entendu —, car votre monture actuelle n'est pas encore obsolète. |